Partager la publication "La vaccination contre la rage (2ème partie)"
Par le Dr Philippe Decourt
Résumé : Dans une première partie (cf. Le Cep n°22, le Dr Decourt montrait comment Pasteur avait éludé le débat scientifique sur la vaccination : en la faisant acclamer par les Académiciens avant même qu’on pût vérifier le bien-fondé de ses affirmations. Mais il semble bien, selon le mot de Raspail, que: « le vaccin de M. Pasteur ne guérit pas la rage, il la donne ». On le verra ici sur deux exemples : l’enfant Rouyer et Lord Doneraile. Une question se pose inévitablement : quelle confiance peut-on accorder aux prétentions d’un homme aussi dénué de scrupules ?
Sous le titre Précisions sur les premiers essais d’application à l’homme du vaccin de Roux-Pasteur contre la rage, je répondis à la question posée sur l’inocuité de la vaccination chez l’homme (Société Française d’Histoire de la Médecine, séance du 23 janvier 1988). En voici l’essentiel :
L’absence de rage après les inoculations de Meister et Jupille démontre-t-elle l’inocuité de la méthode ? Il faut d’abord se rappeler que, d’après les chiffres de Pasteur lui-même, quand un homme est mordu par un chien sûrement enragé, la rage ne se transmet pas cinq fois sur six en moyenne. Avec une transmission d’une sur six seulement, un résultat négatif dans deux cas n’a donc pas de signification. De plus l’inoculation du vaccin était faite dans le tissu cellulaire sous-cutané de l’abdomen. Comme dans les morsures des membres, dans le trajet relativement long jusqu’au cerveau, le virus se perd le plus souvent au point que dans ces cas le taux moyen de transmission tombe à 3 %.
[…] Le plus important est que la méthode utilisée par Pasteur chez Meister (en juillet 1885) et Jupille (en octobre) n’est pas celle qu’il utilisa ensuite.
Epreuves de caractère dans les expositions canines :
L’avis des centres de vaccinations contre la rage est formel : en l’absence d’un symptôme de rage, le chien qui a mordu après avoir été menacé doit être considéré comme sain, et il est inutile de vacciner l’homme mordu. des chiens Les chiens de bergers picard que nous trouvons doivent passer une « épreuve de caractère » définie dans l’opuscule de présentation d’une exposition canine (Amiens, 1971).
L’article 5 du règlement de l’exposition prescrit : « Une épreuve de caractère aura lieu et sera conçue de manière à éprouver l’équilibre de chaque sujet », et l’article 9 : « Aucun titre ne sera attribué à un chien n’ayant pas passé avec succès l’épreuve de caractère. »
Les chiens de berger picards sont renommés « jamais méchants ». Mais à l’approche d’un promeneur menaçant avec un bâton ou un fouet (seconde épreuve, la plus importante, du test de caractère), il doit réagir. Il mord à la main ou à l’avant-bras gauche (parce que la main droite tient en l’air le bâton, sauf si le « promeneur » est gaucher, naturellement). Dans son récit, Pasteur écrit que Jupille « s’est élancé, armé de son fouet, au devant de l’animal ». Le chien menacé s’est défendu normalement en mordant Jupille à la main gauche. Puis Jupille se battit avec le chien pour lui attacher la gueule avec la mèche de son fouet et, dans cette lutte, fut mordu à la main droite. Il noya aussitôt le chien dans un ruisseau voisin. D’après le critère de Pasteur, tous les chiens primés dans une exposition devraient être déclarés « enragés » (puisque ayant obligatoirement passé avec succès l’ « épreuve de caractère »). De même pour les nombreux chiens non primés ayant passé avec succès cette épreuve. Seul les chiens qui se sauveraient en étant menacés pourraient ne pas être déclarés « enragés. Cette opinion de Pasteur est non seulement fausse, mais ridicule, et montre le peu de sérieux de ses conclusions dans son expérimentation sur la vaccination contre la rage chez l’homme. Ce fut elle, pourtant, qui servit de base à l’énorme publicité sur la vaccination de Jupille, et qui déclencha l’arrivée dans son laboratoire de milliers de gens mordus (par des chiens non enragés dans la grande majorité des cas).
Le 2 novembre 1886, Pasteur déclara à l’Académie des Sciences que, sur 1 726 cas traités venus de France et d’Algérie, « il en est dix pour lesquels le traitement a été inefficace ». Comme la moyenne des cas de rage en France, établie sur de nombreuses années, était inférieure à trente par an, il est évident que les 1 726 cas traités en moins d’un an avaient été mordus, en grande majorité, par des chiens non enragés.
Dans la même communication Pasteur déclara, après avoir constaté ces échecs de la vaccination : « J’ai modifié le traitement en le faisant à la fois plus rapide et plus actif dans tous les cas, et plus rapide encore, plus énergique pour les morsures de la face ou pour les morsures profondes et multiples sur les parties nues ».
Ce traitement, dit « intensif » par Pasteur, était devenu normal. Il comportait habituellement trois injections par jour (à 11 heures du matin, 4 heures de l’après-midi et 9 heures du soir) de façon à inoculer le cycle complet jusqu’aux moelles les plus virulentes en trois jours, et on recommençait aussitôt le cycle complet trois fois.
Dans les cas les plus graves il inoculait toute la gamme des moelles virulentes en un temps plus court encore, vingt-quatre heures, en faisant les inoculations « de deux heures en deux heures », et il recommençait aussitôt le traitement complet deux ou trois fois.
Le principe initial de la méthode se voyait donc abandonné. Ce principe était que les inoculations de moelle, ayant perdu la quasi totalité de leur virulence, commençaient à faire naître une immunité qui permettait d’atteindre progressivement des virulences de plus en plus grandes. Après avoir inoculé la plus grande virulence, on ne recommençait pas la vaccination, celle-ci étant considérée comme acquise. Au contraire, avec le traitement dit « intensif », on injectait des doses massives de moelles très virulentes sans attendre l’apparition d’une immunité (aucune immunité ne pouvait apparaître en deux heures, ni même en vingt-quatre heures). Dans les cas les plus graves, où les moelles les plus virulentes sont injectées en un ou deux jours, le risque de transmettre la rage était a priori très grand. Pasteur n’en tient pas compte.
Le cas le plus longuement discuté fut celui de l’enfant Rouyer parce qu’il fit l’objet d’une enquête judiciaire. Le 8 octobre 1886 cet enfant âgé de douze ans, avait été mordu par un chien « inconnu ». Inoculé dans le laboratoire Pasteur « par la méthode intensive » à partir du 20 octobre pendant douze jours, il commença à être malade dans la nuit du 24 au 25 novembre et mourut le 26. Un peu avant il avait reçu, en jouant avec un camarade, un coup dans la région lombaire. L’enfant était-il mort de la rage ou du coup reçu ?
S’il était mort de la rage, celle-ci venait-elle du chien ou de la vaccination ? Le médecin de l’état civil ayant refusé le permis d’inhumer, le cas fut soumis par le père au procureur de la République qui ordonne une enquête pour déterminer la cause de la mort. Le professeur Brouardel, médecin expert au Palais de Paris, en fut chargé. C’était un ami de Pasteur.
Celui-ci se reposait alors à Bordighera sur la Côte d’Azur italienne. En son absence le Dr Loir, son neveu et collaborateur le plus direct, le représentait. Il a raconté plus tard ce qui se passa à ce moment et qui fut dissimulé pendant longtemps.
Dans son rapport au procureur de la République, Brouardel avait déclaré que l’autopsie, faite deux jours après la mort, ne montrait « aucune trace de violence sur les diverses parties du corps », et « pas de suffusion sanguine sur le tissu cellulaire des diverses régions, notamment la région lombaire ». Les urines prélevées dans la vessie contenaient de l’albumine. Brouardel ouvrit ensuite la boîte crânienne et le canal rachidien. Loir raconte ainsi la suite : « Ayant tout le système nerveux devant lui, il constata une congestion en certains points, puis s’adressant à moi : « Monsieur le représentant du laboratoire Pasteur, que désirez-vous ? Je répondis : « le bulbe rachidien »… Avec un scalpel et une pince je pris le bulbe et le mis dans un flacon stérilisé que j’avais apporté. Brouardel préleva en plus le cerveau et toute la moelle. » Loir continue : « Toute ces opérations s’étaient succédées dans un silence impressionnant. Nous nous sentions, nous les pasteuriens, dans une atmosphère hostile et lourde d’inquiétude… A la morgue, pendant l’opération, Brouardel avait été impassible…
En sortant, Grancher me mit en voiture avec mon précieux flacon pour me laisser retourner auprès de Roux. Il était livide. Je revins au laboratoire. Roux dans le grand laboratoire m’attendait. Il avait préparé une cage contenant deux lapins… Je lui racontai ce qui s’était passé à la morgue et préparai une émulsion avec le bulbe du petit mort. Après trépanation Roux inocula les deux lapins avec cette émulsion… » Quelques jours après, les deux lapins moururent d’une rage paralytique. « Par conséquent, conclut Loir, l’enfant avait la rage. » Dès qu’il vit l’état des lapins, écrit-il ensuite, j’allai prévenir Roux encore au lit. Il descendit en hâte, s’assura à son tour que les lapins étaient paralysés et me dit d’aller immédiatement chercher Grancher. La scène eut lieu au pied du petit escalier qui montait au laboratoire Duclaux. Roux et Grancher se regardèrent et Roux prit la parole : « Vous savez ce qui vient de se passer. Que voulez-vous faire ? » Grancher ne répondait pas. Roux dit encore quelques mots. Mais il était resté volontairement étranger aux expériences et ne pouvait reprendre le cours des recherches, Pasteur ayant emporté les cahiers où tout était noté… Mon départ, au moment même, fut décidé et je pris le premier train en partance pour Bordighera ». Quelques jours après, « Grancher, qui avait vu Brouardel à la Faculté, vint dire à Roux que le doyen le priait d’urgence de venir lui parler chez lui, le soir ». C’est à ce moment que Brouardel, en accord avec Roux, décida de faire un faux témoignage devant la justice pour dissimuler que l’enfant était mort de la rage. Loir raconte :
« Roux m’emmena et monta seul chez Brouardel. Mon attente fut longue, une heure s’écoula avant le retour de Roux. Il me répéta sa conversation avec Brouardel que je puis rapporter ici fidèlement : « Brouardel savait que j’étais opposé à l ‘application du traitement à l’homme ; ayant foi en moi, il m’a demandé si, malgré mon opposition, je croyais suffisamment à ce traitement pour consentir à prendre la responsabilité de le mettre au point, cas dans lequel il me ferait confiance. J’ai répondu affirmativement… »
Brouardel fit alors allusion « aux dommages-intérêts qui pourront vous être réclamés » si l’on sait que l’enfant est mort de la rage, et il ajouta : « Si je ne prends pas position en votre faveur, c’est un recul immédiat de cinquante ans dans l’évolution de la science. Il faut éviter cela. » Il s’agissait de simples prétextes car il y eut de nombreux cas de rage après vaccination (Pasteur en reconnaît déjà douze rien qu’en France), il y en aurait bien d’autres, et jamais ni à cette époque ni plus tard il ne serait réclamé de dommages et intérêts, ni question d’interrompre les essais de vaccination chez l’homme. Il s’agissait seulement de contredire Peter qui affirmait que, cliniquement, l’enfant était bien mort de la rage.
Il fallait éviter la reconnaissance officielle d’un échec qui donnerait raison à Peter, et plus encore éviter que se pose la question : la vaccination « intensive » n’est-elle pas la cause de la rage ? Peter avait posé la question avec des arguments qu’on ne pouvait pas négliger. Brouardel lui-même envisagait cette possibilité puisqu’il évoquait des dommages et intérêts éventuels.
La grande discussion eut lieu à l’Académie de médecine les 11 et 18 janvier 1887. Brouardel y lut son rapport au procureur de la République. Il savait depuis longtemps que les lapins inoculés avec le bulbe du jeune Rouyer étaient morts, mais dans son rapport officiel il cita une note de Roux déclarant : « Ces deux lapins sont en bonne santé aujourd’hui 9 janvier 1887, c’est-à-dire quarante-deux jours après les inoculations », et « les résultats négatifs des inoculations pratiquées avec le bulbe de cet enfant permettent d’écarter l’hypothèse que le jeune Rouyer ait succombé à la rage ». L’absence de toute violence dans la région lombaire excluait la possibilité d’attribuer la mort au coup reçu. Brouardel ne retint que la présence d’albumine dans les urines recueillies à l’autopsie. Il conclut à la mort par urémie.
Bien qu’il ignorât le faux témoignage déclarant négatives les inoculations positives, Peter maintint le diagnostic de rage. L’albuminurie ne signifie rien, dit-il, car elle existe aussi dans la rage. Pasteur fut d’accord avec Roux et Brouardel pour dissimuler la vérité : sans même un dosage d’urée, Rouyer fut définitivement classé par les pasteuriens : « mort d’urémie ».
Une longue discussion concerna aussi le cas d’un jeune homme de vingt ans, Réveillac, évoqué par Peter : mordu à un doigt de la main (dans ce cas la transmission de la rage, quand elle existe, est rare, de l’ordre de 3%) , par un chien supposé enragé, aussitôt abattu sans examen. Réveillac fut conduit au laboratoire Pasteur où le nouveau traitement « intensif » commença à lui être appliqué quarante-huit heures après la morsure. Après cinq semaines de « santé parfaite », douleurs au niveau des points inoculés (et non du doigt mordu), spasmes de la gorge, difficulté pour avaler, paralysie, mort au cinquième jour. En dehors de la rage on ne trouve aucune cause de maladie. Venait-elle des inoculations « intensives » ?
Peter fit remarquer que la rage paralytique, rarissime chez l’homme est, normale chez les lapins (d’où provenaient les matières inoculées). Le médecin qui examina Réveillac avant sa mort n’avait pu faire un diagnostic car, pour ne pas inquiéter le malade, la famille avait volontairement passé sous silence la morsure et les inoculations. Quand il l’apprit ensuite il écrivit : « Je puis affirmer aujourd’hui que si la rage n’est pas la maladie qui a enlevé Réveillac, elle lui ressemble beaucoup. » Les pasteuriens préférèrent nier la rage en déclarant Réveillace mort d’ « affection inconnue ».
Des cas analogues se multiplièrent en France et à l’étranger. Des morts après inoculations ne furent connues que par hasard. L’exemple d’une personnalité anglaise, Lord Doneraile, eut un retentissement plus grand et fut discuté spécialement par Pasteur. Mordu le 13 janvier 1887 par un renard enragé au moment même des discussions à l’Académie de médecine, il vint d’Angleterre à Paris où il fut traité onze jours plus tard dans le laboratoire Pasteur, mais, à la demande de Lady Doneraile, avec le traitement « simple ». Ensuite tout allait très bien en apparence, on considérait le cas comme un succès de la vaccination quand, quatre mois plus tard, la rage apparut, suivie de la mort rapide. En septembre, répondant à une demande d’explication du British Medical Journal, Pasteur attribua l’échec aux onze jours écoulés entre la morsure et le début du traitement, et à l’absence du traitement « intensif ». Pourtant, pendant les quatre mois écoulés, le traitement aurait eu largement le temps d’agir s’il avait été efficace.
D’ailleurs, dix-huit mois plus tard, Pasteur dira le contraire dans un grand article intitulé « La rage » publié dans une revue anglaise, puis en France. Il y écrit : « Il n’est jamais trop tard pour commencer le traitement », et encore : « Si le mal ne se manifeste pas dans la quinzaine qui suit l’achèvement du traitement, les inoculations, en dehors de très rares exceptions, auront autant d’effet que si elles avaient été pratiquées peu de temps après la morsure. » On ne sait donc pas si Lord Doneraile est mort de la rage du renard ou de celle des lapins qu’on lui inocula. La différence principale entre ce cas après traitement « simple » et les cas de morts après traitement « intensif », est que, chez ces derniers, rage et mort se produisent entre trois et six semaines après morsure tandis que l’incubation fut de près de cinq mois après le traitement « simple ».
Le faux témoignage de Roux et Brouardel approuvé par Pasteur atteignit parfaitement son but : Peter et ses propos furent déconsidérés. Les académiciens qui savaient et ceux qui ne savaient pas l’accablèrent. Une semaine plus tard la discussion reprit avec violence contre lui. Il apportait pourtant beaucoup d’arguments solides, entre autres les expériences de von Frisch venu spécialement de Vienne à Paris pour apprendre exactement les techniques du laboratoire Pasteur. Conduites avec une grande rigueur scientifique, les expériences de von Frisch constatèrent que les résultats proclamés n’étaient pas toujours vrais. Elles établissaient notamment cette notion importante et très juste : l’action des inoculations ayant la virulence la plus faible peut protéger contre celle des inoculation les plus virulentes « à la condition que les virus renforcés graduellement ne se suivent pas trop rapidement ». Mais Brouardel assura que « cinquante personnes traitées par les inoculations intensives n’ont eu aucun décès ». Il savait que ce n’était pas vrai, mais peu importait puisqu’on le croyait.
Sans aucune expérience clinique ni expérimentale, Vulpian affirma que la méthode n’était pas dangereuse. Il accusa Peter de mener une « tâche antihumanitaire et coupable par conséquent », et il ajouta : « Que les inoculés se rassurent ! Ils sont certains de ne pas être atteints par la rage. »
Ce que l’on sait largement être faux. Il l’accusa aussi d’être anti-patriote parce qu’il ternissait « la gloire de Pasteur » qui était français. On mélange tout !
Quand il revint de la Riviera, Pasteur déclara qu’il considérait les paroles de Peter comme « nulles et non avenues ». Il n’y avait pas lieu d’en discuter. De même pour les expériences de von Frisch : sans donner aucun argument scientifique, sans même tenter de les contrôler, il dit qu’il ne fallait en tenir aucun compte.
Dorénavant, ce que dit ou écrit Peter fut considéré comme sans valeur. Aujourd’hui, un siècle plus tard, on le présente comme ayant été un médecin « archaïque », s’opposant au développement de la science. En réalité, rétrospectivement, on voit que ses longs exposés étaient scientifiquement justes, souvent remarquables dans les circonstances du temps. Il avait incontestablement raison d’inviter à la prudence. Heureusement Roux le comprit. Après son hostilité officielle aux essais de Pasteur sur l’espèce humaine, il estima qu’il devait reprendre ses recherches pour mettre au point (comme il l’avait promis à Brouardel) une méthode comportant moins de risques que les traitements « intensifs » de Pasteur.
Il revint sagement à l’idée initiale d’immuniser progressivement avec des matières peu virulentes avant de passer aux grandes virulences, sans vouloir agir trop rapidement.
On doit regretter que l’on n’ait pas appliqué plus tôt à la rage la méthode créée par Toussaint en 1880 avec l’acide phénique à 1% qui supprime la virulence sans supprimer l’activité immunisante. Malheureusement quelques mois plus tard commençait la longue maladie dont il mourut et qui arrêta pratiquement son activité créatrice à partir de 1881.
Un autre problème important fut discuté : le vaccin a-t-il parfois été la cause de la rage ? L’existence de deux inoculations presque simultanées (la morsure et l’injection de la matière virulente) ne permet pas de répondre avec certitude. Néanmoins l’existence de rage d’origine vaccinale ne paraît pas douteuse avec la méthode « intensive » de Pasteur.
Dans ces cas, la rage apparaît toujours dans un délai de trois à six semaines après la morsure (alors qu’avec la méthode dite « simple », la rage n’apparaît normalement qu’après un délai plus long (chez Lord Doneraile, par exemple, près de cinq mois après la morsure). Dans ces cas la rage chez l’homme est « paralytique ». Or normalement la rage paralytique est rarissime chez l’homme, alors qu’elle est de règle chez les lapins. On peut donc penser que la rage de l’homme (surtout après traitement « intensif ») vient des lapins.
Quand Fermi appliqua la méthode Toussaint à la rage, utilisant ainsi un vaccin de fabrication et surtout d’application beaucoup plus simple, plus efficace, ne comportant aucun risque de transmission de la maladie puisque la virulence y était totalement supprimée, vingt-huit années s’étaient écoulées depuis sa création. Les exercices périlleux antérieurs, avec les inoculations répétées de matières virulentes à des degrés divers, étaient éliminés. Le vaccin dit de Pasteur fut progressivement mais rapidement abandonné. La vaccination moderne contre la rage commençait.